Billets qui ont 'Pour quelques dollars de plus' comme oeuvre.

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Anniversaire officiel en famille + les voisins + l'émigré américain de passage, dans le nord de Paris (La Plage, en face du parc de la Villette, le long du canal) afin d'être plus prêt de Roissy d'où O. partait pour Naples en fin de journée.

Et maintenant Pour quelques dollars de plus, afin de vérifier qu'il n'était pas possible de faire le tour de la banque (il faut descendre l'escalier: tout va bien, tout est conforme à ce que nous avons vu).

Le désert de Tabernas

Ce matin, j'étais décidée à partir seule à Tabernas, partant du principe que si H. finissait aujourd'hui, nous pourrions visiter l'Alhambra ensemble demain.
Mais un bon gag réserve des rebondissements, et pris d'un doute à cause d'une phrase non cohérente avec le contexte, H. passa un coup de fil à quelqu'un de l'équipe chargée des installations: le développement urgent à finir ce soir pour débuggage dans les deux jours et installation lundi a en réalité été ajourné sine die mais les différentes équipes n'ont pas été prévenues: bref, H. a gâché sa journée d'hier pour rien (à cela près que le travail fait est fait). Well, well, well.

Nous partons vers dix heures, il fait très beau, c'est à cent quarante kilomètres, en chemin j'explique où nous allons. Nous ouvrons le dépliant sur mon portable, commençons à lire… Les indications ne sont pas très claires, sauf qu'il faut un 4x4 et non un cabriolet surbaissé, des chaussures de marche et non des tongs… Adieu piste d'Indiana Jones.
Je passe sur deux erreurs de direction (la première nous permet de voir un coyote, la deuxième un panneau (à l'usage des ouvriers d'un chantier qu'on voit au loin, probablement) que je regrette de ne pas avoir photographié: "araignées, serpents, scorpions venimeux dans le sable. Ne pas quitter la piste" (en anglais ou en espagnol, je ne sais plus). Nous remontons en voiture, tentons une autre direction, vers Tabernas, rond-point, tournons à la première pancarte indiquant "Western Leone".

Tout ce qui est raconté ici est vrai, le prix exhorbitant, l'endroit désert. Ce qui manque, mais l'auteur de ces lignes ne l'a peut-être pas vécu, c'est la dimension humaine: quel drame se joue dans ce village, ou n'est-ce que dans nos têtes?
Western Leone est donc deux décors accolés, celui d'un village de l'ouest (bois brun) et celui d'un village mexicain (pierre blanche). Tout cela tourne lentement à la ruine, attaqué par la pluie, le soleil et le vent. Il est impossible de rentrer dans la plupart des décors, nous photographions les planches du cimetière, la silhouette de la colline pelée. Cinq à six chevaux attendent sous un porche, dont un sellé. Un chien minuscule aboie quand nous passons, une perruche dans une cage trop petite pousse des cris. Des gens vivent ici, une famille peut-être, sont-ils salariés, et employés par qui?

Une consommation est comprise dans le prix du billet, nous entrons dans le saloon, un très vieux pousse un grognement pour appeler une très vieille; nous faisons simple et commandons un café. Elle comprend que nous sommes français et appelle; le vieux quitte son fauteuil, quitte le saloon; un jeune homme arrive dans un pull bleu ciel, vingt-cinq ans, les cheveux blonds trop longs, la lèvre tremblante, Klaus Kinsky plus mince, plus fiévreux, plus frêle; un instant je me sens découragée, oh non, c'est déjà difficile de faire face aux malades mentaux dans sa propre langue comment allons-nous faire en espagnol, qu'est-ce que c'est que ce freak; il saisit un gros livre sur le cinéma souvent feuilleté, il parle français, avec une certaine assurance même si son tremblement le rend incompréhensible, il ouvre à une page, nous montre la maison de l'assassinat du début d'Il était une fois dans l'Ouest, c'est ce saloon, il nous montre la pente du toit, oui, c'est bien ce toit, les autres maisons ont dû être construites plus tard ou le cadrage les cacher. C'est irréel, nous sommes dans le film sans y être, rien ne correspond, il ne s'agit pas du tout de la sensation éprouvée lorsqu'on rencontre des personnes rencontrées auparavant dans un livre: car ces personnes ont une vie autonome, alors que là, il n'y a rien — et il y a autre chose, ces gens dont on ne comprend pas ce qu'ils font ici, vivent-ils vraiment ici, dans la poussière et le silence? Cela ressemble à une malédiction, les oubliés du temps. (Et maintenant que j'écris quelques jours plus tard, il me semble que ce que je conserve de ce voyage, c'est l'image de ce garçon tremblant, disgracié, intelligent.)

Nous reprenons la route pleins d'interrogations, décidons de poursuivre vers Tabernas et arrivons à "Mini Hollywood", beaucoup plus professionnel (ou Disney amateur!). Plus cher aussi: il y a un zoo. Aucun doute, c'est la banque de Pour quelques dollars de plus. Nous comparons nos souvenirs, les miens sont flous, nous visitons longtemps l'ensemble de la ville (c'est magique, naïf et magique) puis une partie du zoo. Là encore, ce récit est digne de foi (je l'avais vu mais pas vraiment lu, compris, avant le voyage).



Vers trois ou quatre heures nous errons dans Tabernas pour déjeuner. Nous trouvons un restaurant, je fais l'erreur de commander du poulpe grillé, pensant obtenir à peu près ce que j'avais mangé au Portugal, je vois arriver un calamar entier de vingt-cinq centimètres, tentacule et bec compris… C'est fort en goût, très salé, un peu écœurant. Je fais l'effort de tout manger, pour ne pas désobliger la cuisinière qui a interrompu son propre repas dans la salle commune pour nous servir. H. est mort de rire.

Au lieu de faire demi-tour, nous continuons vers Almeira.



Bord de mer, ciel bleu, décapotable. Glaces, coup de soleil, arrêt en catastrophe pour acheter de l'écran solaire. Retour, mer de serres à perte de vue, incroyable (tentative de photo avec un téléphone: ça ne rend pas grand chose).



Traversée de la Sierra Nevada, la nuit tombe, il commence à faire froid, le vent soûle.
Retour au parking, retour à la Taberna de Jam. C'est décidément un merveilleux restaurant, par la qualité des produits et la gentillesse des serveurs (propriétaires?)
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